Dans le précédent n° de La lettre du Laser, nous avons vu comment remettre en état un laser éventré par la rupture de la cheminée de mât ; travail ô combien long et minutieux... Aujourd'hui, nous traiterons de la bonne manière de réparer un pied de mât qui fuit, sans provoquer le désastre précité. L'explication a d'ailleurs déjà été donnée (en anglais) dans un ancien numéro de "Beam Reach", l'ancêtre de "Laser World".
Il faut distinguer 2 cas : 1° cas, l'eau passe par la cheminée de mât à l'intérieur de la coque ; 2° cas, le mât passe à travers le bateau (et l'eau aussi).
1° cas (le plus délicat). Comme pour la "totale" évoquée dans l'article précité, il faut ouvrir deux trappes ; une seule ne suffit généralement pas à bien travailler tout autour du mât à moins d'être un as de la plasturgie comme notre ami Jean Pierre GENEVOIS. Il est vivement conseillé de choisir les trappes RWO modèle luxe, avec joint torique pour l'étanchéité, et de grand diamètre. Rappelons que la jauge interdit les trappes quart de tour à baïonnette et exige des trappes à vis, pour raisons de sécurité.
Il faut commencer par éliminer la grosse boursouflure de colle rose qui fait une étrange collerette autour du pied de mât (fig. 1). On taille dans ce chewing-gum durci à l'aide d'un ciseau à bois puis on nettoie la jonction socle-cheminée, la cheminée, le socle et le fond de la coque à l'acétone (on peut en verser par l'emplanture).
Le ponçage de la cheminée est bien plus délicat que dans le cas d'un arrachement total où l'on peut poncer le "membre" amputé tout à son aise, sur un établi. Ici, il faut trouver un outil de ponçage qui peut passer par une trappe de 152 mm de diamètre. Certaines petites ponceuses conviennent (la BOSCH PEX 115) mais il faut souvent les démonter, les rentrer en 2 parties et les remonter. Une petite meuleuse d'angle convient aussi : il faut enlever le carter de protection en demi-lune et visser un disque de ponceuse par dessus la meule : attention, c'est aussi illégal et dangereux qu'une "LUPARA", le fusil de chasse à canon scié, cher aux mafieux siciliens. Je pense qu'une lime électrique avec une bande à gros grains pourrait convenir mais ce n'est pas un outil très courant ... sinon, il restera toujours le papier de verre (sur une cale à poncer), la râpe et bien entendu, ... l'huile de coude.
Il est essentiel de bien poncer le bas de la cheminée, le socle et le fond du bateau pour que les bandelettes de tissu de verre que l'on va stratifier accrochent bien et, naturellement, de nettoyer, de dégraisser et de sécher parfaitement les surfaces en question.
On stratifiera des bandes de tissu de verre très fin (satin de verre) de manière à assurer l'étanchéité et la solidité de la jonction cheminée-socle. Pour éviter que la résine n'aille se nicher à l'intérieur de la cheminée en vertu du célèbre principe des vases communiquants, il est astucieux de placer le bas de mât dans l'emplanture, après l'avoir entouré de quelques tours de ruban adhésif et encaustiqué le tout, en prévision d'éventuelles difficultés de "démoulage".
On contrôlera que la stratification est sans bulle et d'épaisseur uniforme en descendant une ampoule de 40 W dans la cheminée de mât et en observant par transparence. Le test final consiste, une fois la strat' parfaitement sèche, à verser une cruche d'eau dans l'emplanture (il est conseillé d'enlever l'ampoule avant).
2° cas : le mât passe à travers le bateau. Spectaculaire, certes, mais pas si grave. On s'en aperçoit généralement avant que la bôme ne descende à plat pont au milieu d'une régate.
Dans ce cas, le fond de la cheminée a été grignoté et le fond de la coque est plus ou moins entamé.
Il est indispensable de comparer la cote de profondeur avec celle relevée sur un Laser neuf (en principe 364 mm mais il y a des variations) pour pouvoir préparer une galette adéquate (stratification d'une dizaine de couches de tissu de verre sur un bout de formica).
Pour poncer le fond de la cheminée de mât, il faut se fabriquer un outil spécial ... il resservira, n'ayez crainte, dans le cas d'une flottille de club (fig. 2). Il s'agit d'un mandrin de bois (sculpté à la râpe) d'un diamètre égal à celui du bas de mât, monté sur une tige filetée de 8 mm de diamètre et 40 cm de long ; une perceuse servira à le faire tourner.
On prévoira un creux pour encastrer l'écrou de fixation puis on collera (colle néoprène) une rondelle de mousse prélevée sur un matelas de camping "couche partout". Enfin, on collera une rondelle de papier de verre à gros grains sur la rondelle de mousse.
Cet outil est parfait pour poncer le fond de la cheminée de mât.
Pour examiner le fond de la cheminée, il peut être utile d'avoir un homme-grenouille dans vos relations ... non, je ne délire pas, les clubs de plongée utilisent une sorte de combiné ampoule et miroir, genre endoscope médical, pour examiner l'intérieur de leurs bouteilles que la corrosion perforante peut transformer en bombe à retardement. A défaut, une mini torche "mag-lite" n'est pas mal non plus.
Une fois le fond de la cheminée poncé, dégraissé (acétone), dépoussiéré et séché avec soin, il faut coller une galette circulaire en fibre de verre bien à plat et avec le minimum de "colle choucroute" au fond de la cheminée. Il faut impérativement que la galette ait le diamètre du bas de mât soit 63 mm, voire un peu moins (61-62), si on veut que la galette descende au fond de la cheminée sans s'accrocher.
On cale le bateau de façon à ce que la cheminée soit absolument verticale (fil à plomb) et on envoie une cuillère à soupe de choucroute (résine + fibre hachée menu) au fond avant de descendre la galette de la façon suivante : mettre en marche l'aspirateur en enlevant le suçoir mais en laissant le tuyau rigide en place. La dépression permet de coller la galette au bout du tuyau qui permet de descendre la galette en place, de la presser énergiquement avant de couper l'aspiration (fig. 3)
Il ne reste plus qu'à contrôler la cote de profondeur (fig. 4) au cas où la galette se soit coincée trop haut ou de travers, à examiner une dernière fois l'intérieur à la lampe avant de faire un petit ponçage - gelcoat en dessous de la coque si, par malheur, le bas de mât est descendu tellement bas qu'il a percé deux trous en demie lune à cet endroit.
Si par malheur votre bateau est affecté des deux défauts, il faut bien entendu lui appliquer les deux traitements ci-dessus.
Si vous vous sentez un peu juste au niveau de vos aptitudes stratifieuses, je vous conseille de consulter Jean Pierre GENEVOIS* à Corbeil (91) : il ne répare plus directement les bateaux, ayant transformé son chantier en négoce de polyester, mais il est de bon conseil et un chantier de polyester est installé à deux pas.
Pour les provinciaux, je vous conseille plutôt de porter votre laser et le présent article (ou le précédent) chez un shaper de planches de fun (les fabricants industriels ne les ont pas tous ruinés, surtout dans le midi). Ces shapers font un travail plus fin que les réparateurs de gros voiliers de croisière.
Si par contre, vos premiers pas dans cette discipline odoriférante et exigeante qu'est la plasturgie vous ont mis en appétit, vous pouvez vous lancer dans divers travaux plus ambitieux comme la confection d'un moule de berceau pour remorque de mise à l'eau. Ne vous en vantez pas trop, loi sur la contrefaçon oblige, ou alors modifiez un peu l'objet d'origine, comme ces copies "maison" de l'archiconnu BOSTON WHALER qu'on voit naviguer sur les lacs de Gironde ... Au prix où est vendue la mise à l'eau d'origine, l'opération devient hautement rentable dès le 3me exemplaire tiré du moule ce qui est parfaitement envisageable dans le cas d'un club ou d'un groupe de copains.
* Jean Pierre GENEVOIS, POLYPLAN RESINES. ( 01.64 .96.02.70, 8 quai Bourgoin à Corbeil Essonne (en face du club Espar Corbeil).