Une polémique, Victor ?
Chaque saison, sur les parkings de régate, et plus encore, dans la moiteur des allées du salon nautique, le sujet revient, avec le même cortège de lamentations et de redites : quousque tandem ? jusqu'à quand Catilina, euh pardon, jusqu'à quand les fabricants / importateurs / revendeurs … (rayez la mention inutile en fonction de votre bête noire préférée), jusqu'à quand oseront-ils faire grimper le prix du Laser … et de ses accessoires, en particulier de sa voile, en elle-même excellente et parfaitement adaptée au bateau, mais désormais fabriquée en Asie du Sud-Est et figée dans son développement, contrairement aux voiles de planche qui n'arrêtent pas d'évoluer, avec les coûts de recherche et de développement, d'équipe de coureurs et tutti quanti que cette évolution suppose, sans guère augmenter pour autant …?
Quand la livre sterling augmente, le prix du bateau monte, quand elle baisse, il monte aussi ou, en tous cas, il ne redescend pas … comme le litre d'essence à la pompe quand le cours du baril de pétrole brut fluctue … une sale manie que les économistes appellent effet de cliquet, façon de signifier élégamment que si le cochon de payant a pu supporter la dernière augmentation, on ne voit pas pourquoi le fournisseur se priverait d'augmenter sa marge lorsque le taux de change ou les prix de matière première pourraient profiter au consommateur.
Les plus malins, qui tentent d'aller s'approvisionner hors frontières sont assez vite repérés et les parkings de régates bruissent de rumeurs selon lesquelles tel ou tel revendeur, qui a tenté d'importer des bateaux ou du matériel d'occasion récent à moindre prix, a été menacé de procès, de perdre sa concession officielle ou contraint pour la garder de vider sa trésorerie pour stocker des bateaux neufs et renflouer celle du fabricant … Rumeurs bien entendu incontrôlables mais qui alimentent le malaise.
Pour celui qui, comme moi, n'a pas des moyens illimités mais a quand même un peu de recul après vingt saisons de régate en Laser, et trois onces de mémoire, il convenait de se poser la question : à défaut de savoir jusques à quand le bateau qui nous est cher-très-cher va continuer d'augmenter (on n'est ni Madame Soleil, ni analyste financier), on peut se poser une autre question : comment son prix a-t-il évolué dans le passé ?
Cette question en appelle une foultitude d'autres : comment est établi le prix du bateau dans ce qui est un marché captif par excellence ?
Les écoles de commerce nous enseignent qu'il y a au moins trois façons de fixer le prix de vente :
1. en fonction du prix de revient
2. en fonction d'un positionnement par rapport à la concurrence
3. en fonction de ce que le consommateur est prêt à payer
Laquelle est la bonne ?
L'évolution du prix du Laser sur les 24 dernières années est-elle supérieure ou inférieure à l'indice des prix ? Comment ont évolué les prix d'autres biens de loisir sportif dans la même période de temps ?
Ce genre de question sur le passé peut fort bien éclairer l'avenir, et bien que ne disposant pas de tous les éléments (j'espère revenir sur la question prochainement et reparler de la diffusion sur le marché super captif des laseristes-régatiers des gadgets coûteux que sont les mâts et barres en carbone, les platines et taquets coinceurs qui ont comme par hasard la pleine approbation de Performance Sailcraft et des dirigeants anglo-saxons de l'ILCA).
En attendant, je vous livre le premier jet de mes recherches, puisées dans la collection des numéros "spécial salon" des revues Bateaux et Voiles et Voiliers, un tableau et une courbe, tous deux imparfaits.
Quelques données manquent et, soyons honnêtes, chacun sait que les prix officiels publiés dans les revues nautiques peuvent être un rien surévalués (négociation de rabais auprès du revendeur et autres prix "spécial salon" destinés à regonfler au bon moment certaines trésoreries d'importateurs) mais même avec leurs imperfections, ils ont de quoi interpeller … et alimenter la polémique, tant il est vrai, mon cher Victor, que polémiquer est un bon moyen de passer les longues soirées d'hiver… et j'ose espérer que les importateurs / fabricants et revendeurs, qui ne s'expriment pas sur le sujet (on connaît leur modestie de violettes) auront le bon goût de vaincre leur timidité pour polémiquer avec nous.
Année modèle |
Prix Laser |
Observations |
1974 |
3865 F |
Europe 5000 F |
1975 |
N.C. |
|
1976 |
5150 F |
|
1977 |
5350 F |
|
1978 |
5650 F |
|
1979 |
N.C. |
|
1980 |
6990 F |
|
1981 |
7800 F |
X4 6700 F |
1982 |
8490 F |
|
1983 |
9850 F |
|
1984 |
10 800 F |
|
1985 |
14 700 F |
X4 10 800 F |
1986 |
N.C. |
|
1987 |
17 950 F |
|
1988 |
18 000 F |
|
1989 |
19 500 F |
|
1990 |
20 500 F |
|
1991 |
22 600 F |
|
1992 |
23 990 F |
|
1993 |
24 950 F |
|
1994 |
N.C. |
|
1995 |
25 990 F |
|
1996 |
N.C. |
|
1997 |
27 500 F |
|
1998 |
31 900 F |
|
1999 |
33 000 F |
X4 18 000 F |
[1] Marché captif : l'exemple classique donné dans les écoles de commerce en est l'ensemble des automobilistes engagés sur un long tronçon d'autoroute à péage. Ils sont obligés d'acheter non seulement le carburant mais aussi les minces sandwiches, le café infect et les dépannages approximatifs au prix fort.